Mon épisode de chroniques BD pour CultureBox étant venu à son terme, c’est donc ici que je vous donne rendez-vous, Mesdames et Messieurs. Pour une totale liberté de ton et de thons (je choisirai mon poisson au gré des marées, qu’il sente bon ou qu’il empeste). J’entends bien continuer à défricher, à débusquer, à assaisonner parfois, le produit culturel qui foisonne et frétille. Je m’offrirai tous les luxes, toutes les voluptés et laisserai le calme à la tombe.
Si je n’ai pas attendu très longtemps pour reprendre du service, c’est que mon petit coeur passionné a été profondément touché par la plume et le dessin acérés de Relom. L’auteur vient de publier un titre flamboyant et vengeur édité par Le Lombard. Ce qui est aussi surprenant que rarissime pour sa ligne éditoriale. Donc, je salue l’initiative.
Cette petite réjouissance répond au doux nom des « Fabuleuses Aventures autobiographiques de John Relom ». Et pour cause. L’auteur se met en scène et nous présente les riches heures de la vie d’un auteur underground confronté aux exigences du monde sans pitié de l’édition traditionnelle. Traversé de barres de rire compulsives, on apprend le chemin de croix rencontré par Relom à chaque proposition qu’il soumet aux Editions du Bombard. Il nous dévoile les coulisses, les pressions, la résistance qu’il faut pour ne pas abdiquer et produire une énième resucée du sempiternel troll/gros nibards/gros gag qui tache. La lutte incessante pour ne pas plier l’échine et tomber dans la thématique-du-moment-que-le-lecteur-de-base-plébiscite.
Toutes ressemblances avec des personnes réelles ne sont pas fortuites. Les noms ont été modifiés, mais les gens du métier n’auront aucun mal à reconnaître certains protagonistes. Ca balance, ça canarde, ça épingle. Relom croque tout ce petit monde, des éditeurs si poussiéreux qu’ils tombent en miette, aux auteurs de « romans graphiques » aussi prétentieux que creux qui ont oublié qu’il fallait deux choses essentielles pour faire une BD : savoir dessiner et avoir un sujet intéressant.
Et il ne s’oublie pas au passage. Notre bon John Relom est un loser magnifique comme on les aime, spectateur désoeuvré face à ce triste manège réglé comme du papier à musique décrépit.
La lecture de ces aventures m’a procuré un plaisir immense. Ca m’a rappelé les bons moments passés à lire « American Splendor » de Harvey Pekar. C’est drôle, sordide, jubilatoire. Le trait lui même rappelle celui des grands de l’underground américain, comme Crumb ou Chester Brown. Mais sans plagier, Relom a vraiment sa propre identité. N’empêche, quel plaisir de se dire que nous avons ici des auteurs capables de ce type de littérature décomplexée. Pour moi dont lire est le métier, cet album a été une grande bouffée d’oxygène. D’une, parce que ça m’a fait respirer. De deux, parce que ça a eu des vertus euphorisantes irrépressibles ! On tient notre French Splendor !!! Ô joie !
(images © Ed. Le Lombard – Relom)