BD : « La Peau de l’Ours » de Zidrou et Oriol

S’il est surtout connu comme étant le père de l’élève Ducobu, Zidrou est aussi l’auteur de petits bijoux pleins de poésie et d’histoires atypiques qui nous transportent loin, dans des univers chaleureux peuplés de personnages des plus attachants. Les Editions Dargaud publient sa dernière pépite, « La Peau de l’Ours », un one shot magnifiquement dessiné par Oriol, où un passé de violence et de vengeance va s’opposer au rythme suspendu de la vieillesse. Un album où nostalgie, regrets et remords se confondent en une petite musique délicate dans laquelle on s’oublie avec bonheur.

Le mois d’octobre sur l’île de Lipari, une maison fait face à la mer. Tout comme le vieux Don Palermo. Tous les jours, le même rituel. Il attend qu’on vienne lui lire son horoscope. Sa dame de compagnie est partie en pèlerinage pour Rome. Son neveu Amadeo se colle donc à la corvée en attendant son retour. Le fossé générationnel entre les deux hommes est propice aux confessions. Et l’ancien, enfermé depuis longtemps dans la solitude, tient là une occasion en or de raconter son histoire.

Fils d’une contorsionniste et d’un magicien qui rêvait d’être trapéziste, la jeunesse de Don Palermo a cheminé de ville en ville, sur la route imposée par le cirque familial. La souplesse et la légèreté des cuisses de sa mère ont eu pour conséquence le décès ‘accidentel’ du père, transpercé de part en part par le sabre du fakir qui avait visiblement besoin des douceurs de la veuve. Palermo, lui, était montreur d’ours. Il a grandi avec Roosevelt, un ours brun, son confident et seul ami. Un jour qu’il se produisait dans un cabaret pour les 60 ans du mafieux Don Pomodoro, ce dernier tua froidement l’animal, pour le plaisir, expliquant qu’il n’avait encore jamais tué d’ours. Une règle dirigeait la vie du caïd : ne pas passer une journée sans avoir taché de sang son éternel costume blanc.

Palermo fit le serment de venger son familier et il devint l’homme à tout faire de Pomodoro, allant même jusqu’à vivre sous son propre toit. Sa vengeance n’était possible qu’en se rapprochant le plus possible du tueur. Un jour qu’il prenait un bain, une jeune fille s’introduisit dans la pièce et s’assit sur le rebord de la baignoire pour lui lire « les Raisins de la Colère » de Steinbeck. Soir après soir, Mietta se rapprocha, une idylle se créa. Mais Don Pomodoro n’allait pas permettre qu’un moins que rien ait l’outrecuidance de regarder sa nièce et de l’aimer. Palermo allait subir un châtiment qui aurait dû le tuer. L’amour et le désir de vengeance l’ont malgré tout forcé à survivre. Et un pacte passé avec Mietta fut jusqu’à aujourd’hui le ciment de ses vieux os. A plus de quatre-vingt dix ans, il garde l’espoir de lire dans l’horoscope un message annonçant le retour de sa belle. Mais le destin n’a pas encore fini de lui jouer des tours…

Mélangeant les genres, « La Peau de l’Ours » navigue entre récit intimiste et histoire mafieuse. Le sang coule aussi vite que les larmes et le temps, tandis que l’espérance empêche toute résignation. Si le corps de Don Palermo est flétri et fatigué, son coeur n’en a jamais assez de battre, fort de la certitude qu’il pourra revoir l’objet de son amour avant le dernier sommeil.

Un conte réaliste, rempli de couleurs, d’épices, d’amertumes, d’humanité et de quelques savants rebondissements. Un excellent moment en perspective

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