Des auteurs qui arrivent à transformer la vie quotidienne et ses épreuves en poésie pure, ça ne court pas les rues. Luke Pearson fait partie de ce petit club très fermé. Les éditions Nobrow viennent de publier « Loin des Yeux… ». Où les vivants sont remplis par leurs propres ombres et où les mystères de la vie rodent absolument partout.
La fin d’une relation amoureuse. Oui, je sais, ça ne donne pas forcément envie au premier abord. Mais ça parle malgré tout à tout le monde. C’est un sujet universel. Les périodes de doutes, les mots que l’on dit ou que l’on ne dit pas, tandis que le monde poursuit sa route. Pendant que vous vous retournez dans votre lit, l’esprit plein de mille questions, un avion atterrit quelque part, quelqu’un se fait zigouiller au nom d’une cause ou sans raison, un enfant fait des ricochets de l’autre côté de la planète.
Et il y a aussi toutes ces autres choses imaginaires. Des arbres qui dansent quand on ne les regarde pas, des yeux invisibles qui nous guettent, curieux de notre prochain faux-pas ou de nos prochains sourires. Un homme et une femme s’éloignent doucement. Ca arrive tous les jours. Des milliers de fois par jour. Des milliers de fois par jour, toutes les situations se produisent et se reproduisent à travers des regards différents. Comme autant de vies parallèles, les histoires se superposent sans se toucher. La façon dont Luke Pearson traite de ces épisodes pénibles suspend le temps. L’histoire glisse sans douleur, comme rêvée, connue mais à distance. Si près de nos yeux, il transforme le réel à l’aide d’un filtre de délicatesse.
Le trait de cet auteur a été souligné lors du dernier festival d’Angoulême. Son album « Hilda et la Parade des Oiseaux » faisait partie de la sélection jeunesse. Si ses aplats et son dessin précis rappellent Daniel Clowes, son univers est plus feutré. C’est peut-être la pudeur et l’humanité entourant ses récits qui le caractérisent. Si vous ne connaissez pas Luke Pearson et son travail, il va falloir remédier à ça. Ca vaut le détour.