Bon, les amis. J’en ai un peu assez d’attendre qu’un chef d’oeuvre pointe le bout de son nez. Visiblement, ça ne veut pas arriver, et j’ai envie de continuer à écrire et à recommander. Alors je vais taper dans « l’indispensable qu’est rangé au grenier ». Entendez qu’on va mettre de côté les nouveautés non réjouissantes et qu’on va se faire plaisir avec des ouvrages sortis il y a quelque temps déjà. Donc aujourd’hui, je saute à pieds joints dans le noir de Thomas Ott. Et puis c’est tout.
Ott est un extra-terrestre. Il est bien logique que ses ouvrages soient donc des OLNI. Objets Livresques Non Identifiés. Il travaille avec cette technique puissante de la carte à gratter. Il dessine par incisions dans la surface noire pour révéler les lumières.
Les sujets abordés par l’auteur sont toujours sombres, bizarres, menaçants, absurdes. Sensuels aussi, je trouve. Ses coups de griffes dans le papier érigent Ott en chirurgien esthète de l’étrange. Il ensorcelle ses personnages, les fait basculer de bourreau à victime, de winner à loser total, de vivant à mort, ou l’inverse. Il imprime une dimension horrifique dans un réel des plus banals.
Autre particularité, les albums du Maître sont muets. Tout se passe dans la tension graphique. On trouve un titre en guise d’avertissement ou de clin d’oeil cynique et on laisse dérouler le scénario silencieux. Et malgré ce silence, je peux vous assurer qu’il y a du bruit, une musique au coeur de ces pages. Les fiévreuses pulsations cardiaques du lecteur donnent un rythme aux récits.
Ouvrir un livre de Thomas Ott est une expérience particulière : c’est un peu comme pousser d’une main le rideau rouge d’un chapiteau rempli de bêtes de foire, observer les protagonistes en cachette et flipper que Monsieur Loyal vous pointe soudainement du doigt avant de vous mettre en cage à votre tour. C’est un cauchemar labyrinthique où l’esthétique vous attrape et où l’histoire finit de vous posséder. Vous tournez la première page et, sans le savoir, vous êtes pris au piège. Vous aimerez ça comme les histoires de fantômes au coin de la cheminée. Même excitation, même plaisir ambigu. A savoir et à noter dans son calepin : ce cher Thomas Ott aura une nouveauté à la rentrée. Ca vous laisse le temps de lire ou relire ses précédents bijoux venimeux.
Ping : Indé : Dark Country de Thomas Ott, T. Jane et T. Murphy | marierameau