J’en lis des albums de BD. J’en commence beaucoup. J’en lis pas mal en diagonale. Les sentiments sont divers lors de ces lectures. Le plaisir, l’ennui, la fascination, la colère, l’indifférence. Parfois je tombe sur un album qui me retourne et me met une trempe. Et c’est une bonne chose que de se retrouver, à travers une BD, en face de l’humain et donc en face de soi. Maël et Olivier Morel viennent de m’offrir ce cadeau avec « Revenants », édité par Futuropolis. Attention. Ca secoue.
« Revenants » est une sorte de making off d’un documentaire sur les vétérans de la guerre en Irak réalisé par Olivier Morel il y a quelques années. Ici scénariste, il plonge le lecteur dans les coulisses de cette aventure traumatique, pour les vétérans interviewés comme pour lui-même. Ces soldats partis pour des raisons diverses allaient revenir détruits. Certains sont partis par patriotisme, d’autres pour se prouver quelque chose ou pour sortir de leur misère. Ces hommes et ces femmes ont certes retrouvé les leurs et leur pays, mais ils ont laissé une part d’eux sur le terrain et ça les ronge. Définitivement.
C’est comme la douleur intense qu’inflige un membre fantôme. Le mal est là, invisible, vicieux. Se soigner à coup de rendez-vous chez le psy, participer à des meetings d’anciens de la guerre, boire jusqu’au coma , essayer de parler pour déposer ce si lourd sac de pierres… En vain. Les données officielles parlent de 3 vétérans se suicidant toutes les semaines et de 100,000 vét’ sans domicile aux Etats-Unis. La réalité dépasserait de beaucoup ces chiffres, évidemment. L’aventure documentaire relatée ici et surtout les liens tissés entre les protagonistes dans l’horreur de la confession sont un boulet de canon d’humanité et de souffrance. Ce qui pourrait vous faire fuir, lecteurs. Ce qui ne DEVRAIT PAS vous faire détourner les yeux. « Revenants » est un témoin important.
Le dessin de Maël, que j’avais adoré dans Notre Mère La Guerre (Futuropolis, encore), a cette sensibilité abrupte qui emporte et fait vibrer le récit. Le lecteur se retrouve projeté au coeur de la réalité de ces personnes endommagées, du tourment de leurs âmes. La force et la puissance émotionnelle qui se dégagent de cet ouvrage sont rares. A noter que cet album sort le 12 septembre. Je l’ai lu le 11. Le hasard des dates…
Ping : Revenants (Morel & Maël) | Bar a BD