Les genres. Les hommes, les femmes. Le bon genre. Le bon sens. L’inversion. Qu’est-ce que le mauvais genre ? Je te demande à toi, puis je demande à elle ou à eux et à chaque fois la réponse est différente. C’est une question de point de vue, de valeurs, d’angle d’attaque. Et surtout d’ouverture d’esprit. Chloé Cruchaudet vient de signer un merveilleux album chez Delcourt : « Mauvais Genre ». Récit tiré d’une histoire vraie et librement adapté de « La Garçonne et l’Assassin » de F. Virgili et D. Voldman.
Paul et Louise se rencontrent quelques temps avant la première guerre mondiale. Ils se tournent autour, ils dansent.Un baiser dans le cou et la grande histoire commence. La jeune femme a un tempérament doux mais bien trempé. Le titi parisien a la grande gueule qui convient et l’allure impeccable bien que désinvolte. La guerre appelle. Les deux charmants amants se marient juste avant que le train n’emporte Paul vers les tranchées.
Et c’est un univers bien différent qui l’attend, dur, laid, froid et macabre. Après quelques mois au front, Paul n’en peut plus de la mort, des corps éclatés, du sang et de la boue mêlés. Il se coupe un doigt et prétend que celui-ci aurait été arraché par un obus. Il espère se faire réformer et rentrer. Mais il en faudrait plus pour décamper. Un soir qu’il est visité par Louise à l’infirmerie, il décide de déserter. Ce qui implique de se cacher et pas à moitié s’il ne veut pas finir exécuté sur la place publique.
Après des jours de planque au côté de sa femme, l’ennui et l’inertie le rendent maussade, voire aigri. Il lui faut trouver un subterfuge. Il doit prendre l’air, exister, voir du monde ! Et s’il se déguisait en femme ? Sur les bons conseils de Louise et avec sa complicité, Paul va se transformer en Suzanne. Il va apprendre à devenir quelqu’un d’autre et y prendre goût. Les deux amoureux n’avaient pas envisagé une seule seconde que ce qui était en premier lieu une mascarade métamorphoserait ainsi le cours de leurs jours et de leurs nuits.
Avec une grâce délicieuse, Chloé Cruchaudet nous emporte au coeur de cette histoire surprenante. La construction de l’ouvrage, la mise en page, la douceur du trait, l’ambiance colorée, nous donnent l’impression de tenir une jolie cavalière du bout des doigts et de valser avec elle. C’est précieux, poétique, enjoué et profond. Les personnages de Louise et Paul sont attachants dans leurs oppositions et leurs contradictions. Une belle lecture et un excellent moment à passer en leur compagnie.
Parfait, dans le sens « sans défaut » : aucune fausse note, ni faute de goût, en dépit du « mauvais genre » des héros à la destinée en dehors des normes.
Merci pour la recommandation !