J’aime quand la lecture m’envoie me promener ailleurs. Et surtout dans des univers qu’on n’approche qu’en rêve. Je veux dire, la réalité, oui, très bien. C’est notre prison quotidienne, notre lot à tous. Mais c’est terriblement ennuyeux, prévisible voire décevant. Le rêve, par contre, quelle dimension plus intéressante et intense. Tout y est possible, les limites sont explosées. Il n’y a plus de restrictions, ni de morale. Et je viens de faire une très belle balade en compagnie de Tony Sandoval. Je suis son travail depuis longtemps. Son nouvel album « Le Serpent d’Eau » vient de sortir chez Paquet. Plongez avec nous.
Mila est une adolescente solitaire, brune comme la nuit. Elle aime partir en vélo loin de chez elle pour aller se baigner dans des endroits connus d’elle seule. Mais aujourd’hui, elle est surprise en pleine baignade par une jeune fille de son âge. Blonde, espiègle et mystérieuse, elle semble s’opposer en tous points à l’effacée Mila. Notre timide héroïne a un sentiment d’attirance irrépressible vers cette jolie et dangereuse poupée et, encore plus étrange, elle est fascinée par ses dents. Qu’est-ce qui arrive à Mila ?
Aux côtés de sa nouvelle amie, elle se prend à chaparder, à trouver un courage qu’elle ne se connaissait pas et à voir des choses incroyables… La fin de l’été s’annonce et un soir, invitée chez l’ensorceleuse, Mila ne peut s’empêcher de l’embrasser doucement et d’effleurer ses dents avec sa langue. Soudain prise de convulsions, l’étonnante hôte se tord de douleur avant de vomir un énorme poulpe noir. Prise de panique, Mila la peureuse court, s’enfuit, laissant derrière elle tous ces sentiments qu’elle ne comprend pas et qui l’effraient. Elle ne se doute pas que la magie, une fois qu’elle vous touche, ne vous lâche plus. Quelque chose de plus fort et de plus grand qu’elle s’est réveillé. Et il va falloir l’affronter.
« Le Serpent d’Eau » est un conte pour grands, catégorie de lecture que j’aime particulièrement. L’innocence est là, malmenée, mais la poésie, la cruauté et la sensualité également. La beauté des aquarelles de Tony Sandoval est irréelle. Il nous offre ici ce qu’il a fait de mieux jusqu’à présent. On regarde évoluer les personnages dans un monde parallèle, à mi-chemin entre conscient et inconscient. On se laisse happer dans cet ailleurs qu’on reconnaît sans le connaître. Peut-être qu’on a oublié en grandissant qu’il y a de la magie autour de nous ? Soyez attentif. Vous ne sentez pas les tentacules du poulpe bouger doucement dans votre ventre ? Non ? Vous êtes bien sur ?! Concentrez-vous.
Une bédé ensorcelante et fascinante qui n’a pas fini de me hanter. Très bel article !