Le passage de l’adolescence à l’âge adulte est un thème que je trouve si mystérieux et si dense que je ne me lasse pas de lire des auteurs s’y atteler. C’est donc le sujet abordé dans Vacuum de Lukas Jüliger aux Editions Rackham. Avec pudeur et distance. Bizarrerie, aussi.
Vacuum est écrit à la première personne, de telle façon que le personnage principal, un ado d’environ 16/17 ans, pourrait porter n’importe quel prénom. Le vôtre par exemple. Il nous raconte ce qui sera la dernière semaine avant une apocalypse symbolique. A cet âge riche en changements et évolutions, des événements décisifs et radicaux peuvent advenir en sept jours. Si « Lui » n’a pas de nom, les personnages secondaires en ont bien un. Justement parce qu’il ne sert à rien que vous vous identifiez à eux.
La semaine commence un lundi, comme c’est la règle. Le jeune homme perd doucement son meilleur ami de toujours, Sho. Non pas qu’il soit mourant. Il est juste resté bloqué en lui-même, un beau jour, sans prévenir. Comme muré à l’intérieur de son corps, Sho s’adonne à une destruction méthodique de son mobilier, jour après jour, en parlant de moins en moins. Tout l’univers du personnage principal bascule alors dans une certaine léthargie, un ennui. Il découvre un vide qu’il n’avait jamais connu. Jusqu’à son arrivée à « elle », qui n’est pas nommée non plus. Parce qu’elle pourrait s’appeler comme vous, aussi. Le couple se forme, à tâtons, lentement. L’été arrive. Les soirées qu’ils passent ensemble sont douces, particulières. Mais il arrive toujours ce moment imprévisible où la jeune femme s’enfuit en courant. Sans raison. Il y a là un secret, une zone d’ombre. Contrarié par ces fuites inopinées, de plus en plus attaché à elle, ensorcelé par son odeur qu’il n’arrive pas à définir, il va chercher à en savoir plus. Les jours avancent, un camarade du bahut vient de se suicider, Sho continue de partir en vrille. L’Apocalypse se rapproche inexorablement.
Vacuum est un album à l’ambiance colorée délicate et aux dessins gracieux. On s’y balade comme dans un souvenir cotonneux où les sens sont sollicités et où la réalité est relative. L’histoire rappelle les films Donnie Darko ou Elephant qui développent des problématiques similaires et qui apportent un éclairage fascinant sur ce moment de la vie ô combien déterminant. Une très belle découverte.