BD : Aâma de Frederik Peeters

Qu’elle soit anticipation, hard-science, cyberpunk, uchronie, dystopie, utopie, la science-fiction est un outil précieux de l’imaginaire. Elle nous projette, elle extrapole, elle analyse. Elle nous envoie des images plus ou moins possibles de ce que nous serons. Avec  « Aâma », Frederik Peeters nous envoie très loin, aux confins de l’espace et de l’humanité, où il n’y a que l’âme des hommes qui n’ait pas changé. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la science-fiction : le décryptage de l’humain, quelques pas en avant.

Verloc se réveille sans souvenir, sur une planète quasi déserte. A ses côtés, un robot en costume de grand singe le presse d’avancer, comme si une menace pesait sur eux. Pour aider l’absence de mémoire de Verloc, l’acolyte mécanique Churchill va lui remettre son journal intime, où sont compulsés les événements de ses derniers jours. Page après page, Verloc découvre son identité qu’il n’apprécie guère. Il se lit quadra déglingué qui refuse les avancées technologiques, les implants, l’effacement de la nature par les modifications diverses du corps. Il revoit son parcours sur la planète Radiant après que Silice, sa compagne, soit partie pour un autre homme avec leur fille unique. La petite Lilja est née muette et Silice semble en imputer la faute à Verloc qui a voulu d‘une procréation naturelle, sans bidouillage génétique. Un soir où il abuse trop des vapeurs du Shia pour oublier sa misère, il se retrouve étendu par terre dans la rue, engourdi et secoué par son petit frère Conrad qu’il n’avait pas revu depuis la mort de leur père. Conrad lui propose de prendre un peu de recul sur tout ça et l’embarque dans une mission de quelques jours sur la planète Ona(ji). Il doit y récupérer quelque chose nommé Aâma pour l’entreprise qui l’embauche. Aâma est en la possession des colons scientifiques qui sont basés là sans surveillance ni transmission depuis cinq ans. A leur arrivée, ils découvrent que la paranoïa et le mysticisme se sont emparés de certains et le professeur Woland s’est volatilisée avec ce que Conrad était venu chercher. Le périple va durer un peu plus qu’une poignée de jours et ça risque de ne pas être de tout repos.

« Aâma » est une grande fresque de science-fiction aux ressorts extrêmement efficaces. Le scénario, les dialogues et le graphisme sont d’une intelligence et d’une précision rares. Le souci du détail est là, à chaque case. Le récit se construit doucement, à rebours, par flash-back, avec une fluidité impressionnante. Frederik Peeters est un des meilleurs auteurs du moment. Ces productions sont toutes impeccables, qu’elles se placent dans un genre ou un autre. Peeters construit une œuvre digne des plus grands. A ne manquer sous aucun prétexte.

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3 commentaires pour BD : Aâma de Frederik Peeters

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  2. Francky 01 dit :

    Excellente analyse d’une oeuvre qui l’est tout autant. Tu dis très justement : « ..Peeters construit une œuvre digne des plus grands… » 100 % exact !!
    TOUS ces livres sont des bijoux, des saga « Koma » à « Lupus » et « R.G », ces one-shots « Pachydermes », « Château de sable » ou « Ruminations »….Même ses participations à des livres collectifs sont terribles comme pour « Rock Strips 2 » où il illustra le groupe de rock progressif mythique King Crimson période « Red » (1974).
    Je le conseille vraiment à tous ceux qui ne le connaîtrait pas. Un de mes dessinateurs préférés, un immense « raconteur d’histoire » !!

    A +

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